L'exposition s'ouvre sur un double plan : d'abord, les vicissitudes de l'effigie de Luca Signorelli sont présentées au public, offrant un premier aperçu de la fortune critique de l'artiste. L'histoire, bien que proposée également pour l'exposition en 2012 et enrichie ici par la présence de deux portraits de Signorelli du XIXe siècle, l'un réalisé par Pietro Pierantoni en 1816 et l'autre en 1848 par Pietro Tenerani, est unique : pendant des siècles a été transmis un portrait incorrect de Signorelli, que Vasari attaché à la biographie de l'artiste dans ses vies, prenant une résonance crabe. L'historien d'Arezzo, en effet, répandit une image de Vitellozzo Vitelli, réalisée par Signorelli, la confondant avec celle du peintre lui-même, mais d'une manière très bizarre, puisque Vasari prétendait avoir connu Signorelli en personne, quoique enfant : seulement à la fin du XIXe siècle, nous avons réalisé l'éblouissement.
Ensuite, nous présenterons le contexte de la Rome de la fin du XVe siècle, d'une part à travers l'image de la ville dans les cartes de l'époque (comme ce fut le cas il y a deux ans pour l'exposition sur Pinturicchio et Borgia, également présentée aux musées capitolins : l'exposition sur Signorelli est structurée sur une base similaire et s'inscrit dans la continuité), un sujet auquel est également consacré un essai de Laura Petacco dans le catalogue (ce fut une époque de profonds changements pour une ville qui cessait d'être un centre médiéval périphérique construit désordonné parmi les ruines de la Rome classique et devint la somptueuse capitale du catholicisme), et d'autre part qui a particulièrement mis en valeur les oeuvres du Pape Sixte IV (né François de la Rive) ; Pecorile, 1414 - Rome, 1484), qui fut pontife de 1471 jusqu'à sa mort et fut le promoteur de l'intense renovatio Urbis dont, dans cette introduction à la revue, sont retracées les principales étapes.
Bien que fortement présent dans les événements politiques de son époque (rétrospectivement, les années de Sixte IV furent caractérisées par une sécularisation poussée du pouvoir papal), et bien que fortement critiqué (le népotisme qui caractérisa son pontificat atteignit des niveaux extrêmes, et en 1476 le Pape préconisa la nomination des plus hautes charges municipales, limitant sévèrement les pouvoirs de la Ville), Sixte IV donna en fait un nouveau visage à la ville : le jubilé de 1475 a été l'occasion de moderniser de nombreux bâtiments et d'en construire de nouveaux (la construction du pont de Sisto et la restauration d'autres ponts sur le Tibre se distinguent, notamment le pont Milvian et le pont Sant'Angelo, ainsi que l'aménagement du réseau routier, la construction et la rénovation des hôpitaux et œuvres de bienfaisance, à commencer par celle de l'hôpital Santo Spirito à Sassia qui est dédié, sans calculer la réforme immobilière impressionnante qui sanctionne les nouveaux changements à l'esthétique de Rome).
- Parmi les actes les plus significatifs de Sixte IV se trouve aussi la donation des bronzes anciens du Latran au peuple romain. Sanctuée le 15 décembre 1471, la donation fut une initiative du Pape dans le cadre de la construction d'un consensus autour de sa figure qui a toujours distingué son œuvre, mais elle représentait aussi l'acte fondateur des Musées Capitolins, puisque les œuvres furent transférées au Palais des Conservateurs au Campidoglio, afin que chacun puisse les observer.
- C'est là que se déroule le reste de l'exposition. Le don comprenait également le Spinario, une statue en bronze d'un jeune berger arrachant une épine d'un pied, très célèbre au XVe siècle et même avant, qui a attiré l'attention d'une vaste pléthore d'artistes en raison de l'originalité de sa pose (comme on le sait, il est assis, une jambe sur l'autre à l'horizontale, et penché en avant pour examiner les épines plantées au pied gauche), ainsi que l'effet de la grâce et du naturel qui permet de corriger l'attitude de l'enfant.
Signorelli, comme nous l'avons déjà dit, fut appelé à Rome en 1482 pour les fresques de la Chapelle Sixtine, bien que sa présence ne fût pas attendue au début aux côtés de Botticelli, Perugino, Cosimo Rosselli et Ghirlandaio. Signorelli arriva plus tard, appelé avec l'autre toscan Bartolomeo della Gatta (Pietro di Antonio Dei ; Florence, 1448 - Arezzo, 1502), pour fournir son aide parce que les travaux étaient en retard : ainsi, les cortonais aidèrent Pérugin, avec Bartolomeo della Gatta, dans la fresque de la remise des clés, d'ailleurs toujours avec son compatriote il exécuta la scène du Testament de Moïse, et finalement seul il acheva le combat sur le corps de Moïse, puis détruit par un effondrement et remplacé au XVIe siècle par une fresque correspondante transmise par Hendrick van der Broeck. Il faut donc imaginer que Signorelli monte au Palais des Conservateurs (et peut-être qu'il visite certaines des collections d'antiquités que les romains les plus importants avaient commencé à constituer à l'époque), qu'il soit fasciné par la vue des statues anciennes, et qu'il en tire d'importants enseignements que l'on retrouve, ponctuellement, dans ses tableaux.
La première d'entre elles, parmi celles exposées dans l'exposition, est la Vierge à l'Enfant de l'Alte Pinakothek de Munich : derrière les deux personnages principaux se trouve un jeune nu dont la pose est similaire à celle du Spinario. L'ancienne statue est également exposée dans l'exposition, en deux versions : celle en bronze des Musées Capitolins et le Spinario Medici en marbre, aujourd'hui dans les Offices (ce dernier était probablement déjà bien connu de Signorelli avant même son installation à Rome, car il est attesté par la présence de la statue dans le répertoire des anciennes Laurentides du jardin Saint Marc, et est également connu de ses artistes du début de la Renaissance florentine : Giovanni Luca Delogu, sous la forme de la Vierge bavaroise remplie pour le catalogue de l'exposition en 2012, a noté que le Spinario Medici "à l'époque de Signorelli est maintenant une image consolidée du répertoire, ayant déjà été traitée par Brunelleschi, Masaccio et le même maître de Luca, Piero della Francesca, dans le cycle de Arezzo").
La Vierge de Monaco a fait l'objet d'un débat critique au début du XXe siècle, tant en ce qui concerne la date que l'autographe (même si la critique de cette dernière est désormais largement unanime pour attribuer l'œuvre au maître de Cortona), et surtout pour le sens du nu derrière les protagonistes, qui pourrait être interprété comme un néophyte qui va se dévêtir pour recevoir le sacrement du baptême, selon une hypothèse déjà à l'ordre du jour du XXe siècle et peu contestable. Cette présence revient aussi dans le Baptême du Christ d'Arcevia, également présent dans l'exposition.
A suivre de plus près.