Ángel Sala, directeur du Festival de Sitges, analyse le panorama d'un genre mutant qu'il connaît parfaitement.
Le genre de terrorisme connaît un essor commercial et médiatique qui peut modifier sa nature transgressive, communautaire et résolument résiliente. L'un de ses moyens d'expansion a été la perméabilité par rapport à un public jusqu'alors impensable. Et nous trouvons certaines causes dans sa domestication à travers la fête, grâce à la généralisation de célébrations comme Halloween ou dérivés, ou la dissolution d'éléments indésirables d'icônes ou de personnages par l'effet de la répétition par multiprogrammation en canaux ou plateformes thématiques, qui transforme des monstres autrefois dangereux comme Jason Voorhees, Freddy Krueger ou les zombies eux-mêmes en personnages presque familiers. Cette normalisation a été étendue à d'autres icônes, mythes ou thèmes comme le thriller paranormal, la terreur sans sang (excessif), où l'expérience quasi familière du train de la sorcière est parfaitement représentée, codifiant aussi une transcendance spirituelle et/ou religieuse toujours nécessaire ou recherchée par les prescripteurs sociaux, très claire quand on entre pleinement dans des exorcismes de racines confessionnelles.
Un exemple en est le succès exorbitant de " The Nun ", le point culminant de la terrifiante hutte de la foire qui complétait sa simplicité non déguisée par une efficacité référentielle et ludique conditionnée dans un format sérialisé par le concept d'" univers " (dans ce cas, le " Warren File "). Autre exemple : la réactivation progressive de Stephen King dans des formats luxueux et encyclopédiques qui renouvellent les attentes générationnelles et collectives, notamment par l'adaptation de " It " dans le diptyque réalisé par Andy Muschietti. Et dans l'affirmation mercantiliste de King, nous trouvons le germe d'autres approches d'un énorme succès médiatique, comme la série " The Curse of Hill House ". Face à cette normalisation commerciale et médiatique de l'horreur, d'autres auteurs et propositions ont choisi de créer des discours génériques allant de la psychologie la plus intime à la lecture politico-sociale en passant par une méta révision du genre lui-même (Jordan Peele, Robert Eggers, Ari Aster et David Robert Mitchell, sans oublier l'aspect important du regard féminin à travers des réalisatrices comme Jennifer Kent et Julia Ducournau). Ce type de pari a été très bien accueilli par une critique jusqu'à récemment hostile, ce qui a fait que certains analystes parlent déjà (un peu à tort) d'une terreur " élevée ", avec les conséquences de créer un schisme entre les destinataires eux-mêmes à cause d'une désaffection progressive d'une partie de celui-ci par une approche d'un auteur qui semble vouloir justifier l'option du genre par des éléments et approches étrangers.
Entre la terreur exercée par de nouveaux auteurs ou cinéastes jusqu'à présent étrangers, voire hostiles, et la généralisation généralisée des schémas traditionnels, il reste d'autres contributions qui subsistent parmi les festivals et les distributions plus timides, où l'on trouve des formulations plus authentiques de l'horreur contemporaine. Parallèlement à l'exercice rétrospectif de réactivation de réalisateurs ou de cinématographies (la revendication de Carpenter ou d'Argento, entre autres) sauvant de l'oubli des titres une fois abandonnés. Compte tenu de ces différentes orientations, il est difficile de tracer les tendances d'un genre qui s'élargit et se divise, qui commence à faire l'objet non seulement de forums spécialisés mais aussi de débats plus larges et parfois équivoques. D'une certaine manière, le genre de la terreur, comme il arrive en général à ce que nous appelons " le fantastique ", est devenu une tendance dans l'audiovisuel contemporain, peut-être parce que les récits les plus conventionnels sont inefficaces même pour aborder notre vie quotidienne soumise à une tendance progressive vers l'étrange, l'imprévu ou l'anormal.